Avez-vous déjà vu votre enfant passer d’un état de calme à une crise de colère en quelques secondes ? Ou peut-être l’avez-vous observé se replier sur lui-même, devenant soudainement distant et « ailleurs » face à une situation stressante ? Ces réactions ne sont pas de simples caprices, mais des manifestations naturelles de son système nerveux qui sort de sa « fenêtre de tolérance ».
Qu’est-ce que la fenêtre de tolérance ?
Inventée par le Dr. Dan Siegel, neuropsychiatre spécialiste du développement de l’enfant, la fenêtre de tolérance représente cette zone optimale où nous pouvons gérer nos émotions efficacement. À l’intérieur de cette fenêtre, votre enfant est :
- Présent et attentif
- Capable d’écouter et d’apprendre
- En mesure de bien interagir avec les autres
- Apte à résoudre des problèmes
Mais lorsque le stress ou les émotions deviennent trop intenses, votre enfant peut basculer hors de cette fenêtre, soit vers l’hyper-activation (trop d’énergie), soit vers l’hypo-activation (trop peu d’énergie).
Les signes que votre enfant sort de sa fenêtre de tolérance
Les comportements d’un enfant en hyper-activation (au-dessus de la fenêtre) :
- Agitation
- Incapacité à rester en place
- Crises de colère ou de larmes intenses
- Comportement impulsif et/ou agressif
- Parle vite et d’une voix forte
- Rythme cardiaque accéléré
En hypo-activation (en-dessous de la fenêtre) :
- Regard vide, distant
- Réponses lentes ou absentes
- Fatigue, manque d’énergie
- Désintérêt pour des activités habituellement appréciées
- Tendance à s’isoler ou à « se déconnecter » de ce qui se passe autour
Des solutions pour revenir à l’équilibre
Développé par le Dr. Peter Levine, le Somatic Experiencing est une approche thérapeutique qui reconnaît que nos réactions émotionnelles s’inscrivent dans notre corps – et pas seulement dans notre tête. Voici comment utiliser ces principes pour transformer votre quotidien familial, même quand vous avez déjà essayé de « compter calmement jusqu’à trois » et que vous savez pertinemment que ça ne marche jamais.
1. Reconnaître les signaux corporels
Apprenez à votre enfant à identifier les sensations dans son corps lorsqu’il commence à se sentir stressé :
- « Où sens-tu cette émotion dans ton corps ? »
- « Comment est ta respiration quand tu es en colère ? »
- « Est-ce que tu sens ton cœur battre plus vite ? »
- « Est-ce que ta colère ressemble à un volcan qui explose ou à un orage dans ton ventre ? »
Pourquoi ça marche : En identifiant où se logent ses émotions dans son corps, votre enfant développe une meilleure compréhension de ses émotions. Cette reconnaissance constitue la première étape pour apprivoiser ses émotions plutôt que d’être submergé par elles.
2. Utiliser des exercices d’ancrage
Lorsque votre enfant commence à sortir de sa fenêtre de tolérance, proposez-lui des exercices d’ancrage simples :
- Sentir ses pieds au sol
- Toucher différentes textures (un coussin doux, un doudou, une balle anti-stress)
- Observer et nommer cinq choses qu’il voit autour de lui
Pourquoi ça marche : La pression physique et le contact activent les récepteurs proprioceptifs du corps, envoyant des signaux de sécurité au cerveau et aidant l’enfant à sentir les limites de son corps, créant ainsi un sentiment d’ancrage et de sécurité. Ces techniques stimulent également la production d’ocytocine (l’hormone du bien-être) et réduisent le cortisol (l’hormone du stress).
Variantes : Faire porter à l’enfant un sac à dos légèrement lesté, l’envelopper dans une couverture douce et épaisse, ou lui proposer des câlins « sandwich » où vous exercez une légère pression des deux côtés.
3. Pratiquer la respiration consciente
La respiration est un super-pouvoir inné et un puissant régulateur du système nerveux.
Comment faire :
- Pour calmer l’hyper-activation : Imaginer souffler doucement sur une bougie sans l’éteindre (inspire court, expire long)
- Pour réveiller l’hypo-activation : Respirer comme si vous sentiez une fleur délicieuse (inspire long, expire court)
- D’autres techniques ludiques : « Respirons comme une baleine qui fait un jet d’eau ! » ou « Gonflons notre ventre comme un ballon de baudruche »
Pourquoi ça marche : La respiration est directement liée au système nerveux autonome. Une respiration lente et profonde active le système parasympathique (celui qui nous calme), tandis qu’une respiration rapide stimule le système sympathique (celui qui nous active). Ralentir l’expiration stimule le nerf vague, véritable chef d’orchestre de notre état de relaxation, et réduit en quelques instants les sensations de panique ou d’anxiété chez l’enfant.
4. Favoriser le mouvement
Le mouvement (jeux actifs, activité physique, etc) aide à libérer naturellement l’énergie bloquée dans le corps :
- Sauter sur place, courir ou danser pour l’hyper-activation
- Étirements doux ou balancements pour l’hypo-activation
- Jeux de décharge comme « secouer le corps comme un chien mouillé ». Secouez tout votre corps vigoureusement comme un chien sortant de l’eau, en commençant par la tête et en descendant jusqu’aux pieds.
Pourquoi ça marche : Dans la nature, les animaux évacuent naturellement le stress par des tremblements après une situation de danger. Nous, humains, avons appris à supprimer cette réponse naturelle alors que cette technique permet de libérer l’énergie de stress stockée dans tout le corps.
Comment élargir la fenêtre de tolérance de votre enfant
Plus la fenêtre de tolérance est large, plus votre enfant pourra faire face à des situations stressantes sans basculer dans des états extrêmes. Voici comment l’aider à développer cette capacité :
Établissez des routines prévisibles
Alors que le changement amène du stress, la prévisibilité au contraire crée un sentiment de sécurité qui permet au système nerveux de l’enfant de se détendre.
Normalisez toutes les émotions
Dites souvent à votre enfant que toutes ses émotions sont importantes et ont leur place, même celles qui sont difficiles.
Offrez-lui des activités relaxantes
Lecture, bain chaud, temps calmes sans écrans…
Montrez l’exemple de la régulation émotionnelle
Montrez comment vous gérez vos propres émotions : « Je me sens frustré(e), je vais prendre quelques profondes respirations. »
Prendre soin de sa propre fenêtre de tolérance en tant que parent
Les parents aussi ont une fenêtre de tolérance qui peut être mise à rude épreuve. Les nuits blanches, les crises à répétition, les to-do lists interminables… tout cela peut réduire considérablement votre capacité à rester régulé émotionnellement. Or, un parent qui sort fréquemment de sa fenêtre de tolérance aura plus de difficulté à accompagner son enfant dans la régulation de ses propres émotions.
Lorsque vous sentez que vous êtes proche de basculer dans l’hyper-activation (irritabilité, impatience, cris) ou l’hypo-activation (fatigue écrasante, détachement, indifférence), accordez-vous un moment de pause. Même une minute de respiration consciente dans une pièce séparée peut faire toute la différence. N’hésitez pas à expliquer calmement ce qui se passe : « Maman/Papa a besoin d’un petit moment pour se calmer, tout comme toi parfois. » Cette transparence est également une belle leçon pour votre enfant qui apprend ainsi qu’il est normal et sain de reconnaître ses limites.
Intégrez des pratiques pour prendre soin de vous au quotidien : méditation, activité physique, moments de solitude ou échanges entre amis. Pensez à l’analogie du masque à oxygène dans l’avion : vous devez d’abord mettre le vôtre avant d’aider votre enfant. Prendre soin de votre système nerveux n’est pas un luxe, mais une nécessité pour être le parent stable et aimant dont votre enfant a besoin.
Un investissement pour l’avenir
En aidant votre enfant à comprendre et élargir sa fenêtre de tolérance, vous lui offrez bien plus qu’une solution temporaire à ses crises émotionnelles. Vous lui donnez des outils précieux pour toute sa vie.
Comme témoigne ma cliente Marie, maman de Léo, 7 ans : « Depuis que nous utilisons ces techniques, Léo arrive non seulement à mieux gérer ses frustrations, mais il est également capable de me dire ‘Maman, je sens que je sors de ma fenêtre, j’ai besoin d’un moment pour me calmer.’ C’est incroyable de voir un enfant aussi jeune développer cette conscience de lui-même. »
Rappelez-vous que, en tant que parents, votre présence aimante et votre soutien sont les meilleurs régulateurs pour le système nerveux de votre enfant. Alors n’oubliez pas de prendre soin de votre propre fenêtre de tolérance — des parents équilibrés contribuent énormément à l’équilibre de leurs enfants.
Par Elena Goutard, coach parental
Cet article est fourni à titre informatif et ne remplace pas l’aide d’un professionnel. Si votre enfant présente des difficultés persistantes à gérer ses émotions, n’hésitez pas à prendre contact avec moi pour discuter de votre situation et envisager ensemble des solutions.
Pour toute info ou prise de RDV : www.elena-goutard.com